La synthèse du rapport
Contribution RLSF dans le cadre du projet de loi « Sport et société » engagé par le Gouvernement.
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Partie 1. Une nouvelle « gouvernance partagée à compétences réparties » qui renforce la concertation mais impose de répondre à des questions importantes.
La nouvelle gouvernance, associant le ministère des sports, le comité national olympique et sportif français (CNOSF), les collectivités territoriales et le monde économique, vise à permettre à ces quatre catégories d’acteurs de mieux collaborer et de mettre en commun leurs compétences et leurs moyens au service de deux objectifs : décrocher 80 médailles aux Jeux de 2024 et recruter 3 millions de nouveaux pratiquants.
La mise en place d’une nouvelle gouvernance pour le sport français est une initiative à saluer. Le constat selon lequel il s’appuie sur un modèle solide mais en partie obsolète, qui mérite d’être rénové, est désormais partagé par tous. Mieux encore, les partenaires du sport français montrent qu’ils sont prêts à coopérer et à ouvrir la gouvernance à des acteurs puissants et innovants comme les entreprises. La mobilisation des énergies est également réelle aujourd’hui pour adapter le pilotage politique aux exigences d’un sport contemporain marqué en France, comme partout ailleurs en Europe et dans le monde, par une forme de financiarisation des relations entre les acteurs, une digitalisation accélérée des interactions, des expériences et des données, et par une exacerbation des réactions des opinions publiques (aux résultats des équipes, aux manquements à l’éthique ou à la probité, à tout ce qui touche à la vie des joueurs les plus exposés, etc.).
Cette initiative impose néanmoins de répondre plus clairement, ou plus complètement, à 4 enjeux si l’on veut que la nouvelle instance puisse fonctionner efficacement et sereinement :
- Il s’agit d’abord de préciser ce que cette nouvelle instance va impulser de différent à l’avenir, tant sur le fond que sur les moyens des politiques sportives, pour atteindre les objectifs ambitieux rappelés ci-dessus et dans ce contexte de ruptures. Si ses initiateurs veulent pouvoir parler d’une évolution « historique », ils doivent exprimer, au-delà de l’accent mis sur le renforcement de la collégialité, leur volonté de faire émerger de nouveaux modèles économiques adaptés, de nouveaux modèles d’engagement (des pratiquants, du secteur privé, etc.) et de nouvelles formes de régulations et de partenariats pour le sport français.
- Il apparaît ensuite indispensable de préciser rapidement certains aspects structurants du fonctionnement de la future instance quadripartite. Son champ de compétence n’est pas assez clair ; traitera-t-elle par exemple du sport professionnel et dans quelles conditions ? Qui fixera l’ordre du jour et qui pilotera les débats ? S’agira-t-il de vraie co-décision ou juste de concertation? Le ministre chargé des sports aura-t-il autorité pour représenter l’Etat dans son ensemble ? Côté collectivités territoriales, comment gérer le « bloc » des 30% en cas de désaccord entre les échelons ? Enfin, s’il est une indéniable avancée d’avoir ouvert la gouvernance au monde économique, quelle contribution sera réellement attendue de lui ?
- La nouvelle gouvernance est dite non seulement « partagée », mais « à responsabilités réparties ». Or, dans le projet qui a été annoncé, rien ne semble voué à changer dans la répartition des responsabilités entre les acteurs, qui sont particulièrement enchevêtrées dans le monde sportif, ce qui lui coûte en termes de lisibilité, de capacité d’impulsion et d’impact. Il serait regrettable et même contre-productif que la nouvelle gouvernance se mette en place sans que soient clarifiés les rôles de chacun : tant que le problème de la confusion et de la dilution des responsabilités ne sera pas traité, elle ne pourra fonctionner ni sereinement, ni efficacement, et en particulier la distinction entre le champ de la co-décision et celui de la concertation ne pourra pas être clarifiée.
- L’un des objectifs affichés de la nouvelle gouvernance est l’autonomie du mouvement sportif. Mais il serait souhaitable que les acteurs portent une vision plus complète et plus engageante de cette notion. L’autonomie n’est pas principalement une question de droits de vote ; elle s’appréhende plus largement comme la capacité du mouvement sportif à réussir sans dépendre des autres, et notamment de l’Etat. Ce qui implique de travailler sur beaucoup d’autres leviers (accroissement des ressources propres des fédérations, adaptation des compétences et professionnalisation, dialogue stratégique revisité avec l’Etat, etc.).
Partie 2. Un modèle pressenti d’agence qui apparaît surtout adapté pour la haute performance, laquelle requiert de l’autonomie mais aussi une évolution de l’écosystème du haut niveau dans son ensemble.
La réforme engagée ne consiste pas seulement à mettre en place une instance chapeau de concertation et/ou de co-décision, mais bien une « structure » – le terme d’agence n’est à dessein pas encore employé, la forme juridique (établissement public, GIP ou autre) étant en phase d’instruction. Cette structure a vocation à prendre en charge deux grandes politiques :
- la performance olympique et paralympique pour 2024 ;
- le développement des pratiques sportives, à travers le soutien aux fédérations sportives, aux réseaux nationaux non fédéraux et aux territoires.
La création d’une structure de type agence est une évolution positive pour la haute performance. Nous pensons même que l’agence envisagée doit être exclusivement focalisée sur ce thème. Pour avoir l’impact espéré, cette agence devra fonctionner de manière agile et disposer d’une réelle autonomie, impliquant notamment qu’elle pilote l’allocation de l’ensemble des moyens dédiés à la haute performance, tout en rendant régulièrement des comptes sur son action et les résultats qu’elle obtient. Son action ne doit ni commencer ni s’arrêter à 2024, et devra bénéficier à terme à tous les sports, pas seulement aux disciplines des Jeux d’été.
La structure dédiée à la haute performance aura besoin pour réussir de l’évolution concomitante de l’écosystème du haut niveau dans son ensemble, écosystème qui a des lignes de force que nos voisins nous envient mais doit aussi faire sa mue sur un ensemble de points précis (ex : resserrement des listes de sportifs de haut niveau, évolution de la culture de performance, mise au point d’un statut des sportifs de haut niveau rendu possible par la limitation de leur nombre et fondé sur une logique de droits et de devoirs, meilleure ouverture aux entreprises, vue plus précise des financements mobilisés, resserrement des liens entre les équipes techniques et les équipes dirigeantes au sein des fédérations, choix parfois plus tranchés à faire entre les disciplines, etc.).
Nous sommes en revanche beaucoup plus dubitatifs sur l’adéquation du modèle d’agence au sport pour tous, parce que c’est une politique qui, loin de requérir une logique de spécialisation ou de « concentration » administrative, suppose au contraire un fonctionnement ouvert, multipartite et le plus en réseau possible, tant sur le plan interministériel qu’à travers les territoires et les secteurs de la société. La construction d’une Agence unique semble être liée à des choix budgétaires que l’on peut comprendre, mais n’apparaît pas compatible avec un pilotage pertinent de deux politiques publiques aussi différentes.
Partie 3. Une politique du « sport pour tous » qui requiert une impulsion inédite dans des espaces stratégiques et pour des publics spécifiques.
Le contexte que l’on connaît aujourd’hui sur le « sport pour tous » est à la fois porteur (Paris 2024, engagement présidentiel d’augmenter de 3 millions le nombre de pratiquants réguliers d’une activité physique et sportive, missions en cours au Parlement et à France Stratégie sur les freins à la pratique et ses décrochages dans les trajectoires de vie, etc.), mais aussi préoccupant (permanence des inégalités d’accès à la pratique notamment pour les personnes en situation de handicap et les personnes défavorisées sur le plan socio-économique ou territorial, dégradation des indicateurs de santé publique liés à la sédentarité, baisse des capacités cardio-vasculaires des enfants, de plus en plus confrontés à la problématique des écrans, etc.).
Dans ce contexte, le sport pour tous requiert une stratégie en réseau, reposant sur l’articulation claire et cohérente des rôles de chacun, la mobilisation de voies d’actions innovantes dans les espaces stratégiques que sont l’école, l’entreprise et le monde de la santé, et la recherche de plus d’équité au bénéfice des publics les plus éloignés de la pratique.
Le sport est à la fois un bien public aux multiples externalités positives sur le corps social et un service public qui requiert de réaffirmer le rôle de stratège de l’Etat.
Les collectivités territoriales, opératrices clés du sport pour tous avec un engagement de l’ordre de 12Md€ par an, doivent gagner en cohérence et en lisibilité sur le plan des actions et des financements. Sans remettre en cause la clause de compétence partagée inscrite dans la loi NOTRe, nous recommandons de positionner les régions comme les garantes de la cohérence des politiques sportives dans les territoires et d’encourager les intercommunalités à exercer la compétence sport autour du thème des équipements structurants et de l’optimisation du maillage territorial des clubs sportifs, en soutien des communes. Par ailleurs, un effort doit être fait pour endiguer le phénomène d’inflation des normes sportives qui s’impose trop souvent aux collectivités territoriales.
Le mouvement sportif a quant à lui l’opportunité de renforcer son impact dans le développement de la pratique en développant un meilleur « marketing » de la licence, en promouvant là où c’est pertinent le développement des licences loisir, en s’appuyant mieux sur l’apport potentiel des fédérations affinitaires multi-sports et en s’appuyant sur tous ses relais et partenaires territoriaux pour lancer une grande réflexion autour du club associatif de demain, à l’heure où le développement du digital, la montée en puissance des réseaux non-fédéraux et la confirmation d’une forme de crise du bénévolat sont sources de défis nouveaux.
Toutefois, quelle que soit la vigueur du mouvement sportif, l’augmentation désirée du nombre de pratiquants ne pourra pas venir uniquement des voies classiques du système fédéral. Doit se former aussi une vraie mobilisation sociétale, tournée vers des espaces stratégiques et au bénéfice des publics les plus éloignés de la pratique. Il s’agit notamment :
- de fortifier les liens entre le monde du sport et celui de l’éducation, en misant sur des programmes éducatifs adaptés et des rencontres qui mettront le sport dans la tête et le cœur des élèves, une approche plus attentive aux enjeux de motricité dès la maternelle, un réaménagement des rythmes scolaires au collège, le lien à renforcer entre sport scolaire et sport en clubs et enfin, dans le supérieur, sur la vie sportive et les équipements des établissements ;
- d’encourager la montée en puissance dans les entreprises de l’activité physique et sportive (APS) des salariés, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont du retard par rapport aux grandes entreprises et besoin pour le combler d’être soutenues et incitées ;
- d’accélérer, en confiance notamment avec les professionnels de santé, sur le sport santé dans notre pays qui connaît du retard en la matière par rapport à ses voisins européens ;
- de renforcer au moyen d’une approche mieux coordonnée les efforts entrepris ces dernières années pour améliorer l’accès à l’APS des personnes en situation de handicap ;
- enfin de mieux travailler sur l’équité territoriale et socio-économique dans l’accès au sport et sur les leviers de l’insertion par le sport.
Partie 4. Un ministère des sports qui doit se réformer, et une gouvernance des fédérations qui doit se rénover dans le respect de l’autonomie du mouvement sportif.
Dans la « nouvelle donne » qui se met en place, il est important que les acteurs puissent évoluer au bénéfice du sport français. Là où le ministère des sports doit entreprendre une action vigoureuse de réforme au niveau de ses structures et de ses agents, le mouvement sportif a quant à lui vocation à s’ouvrir davantage au monde extérieur et à faire évoluer tant ses compétences que sa gouvernance.
Le ministère des sports doit rester un ministère de plein exercice capable d’ancrer, en pesant vis-à-vis des autres ministères, une culture et des politiques sportives ambitieuses dans notre pays, mais il doit se réformer. Il s’agit d’abord d’acter le recentrage de ses missions sur la stratégie, la coordination et le contrôle. Il s’agit ensuite de rationaliser ses structures déconcentrées, dont le rôle s’est étiolé ces dernières années, en particulier au plan départemental. Enfin, des pas supplémentaires doivent être faits dans le redéploiement et la mobilité (par discipline sportive et par géographie) des conseillers techniques sportifs mis à disposition des fédérations.
Dans le même temps, le ministère doit s’étoffer sur les profils et compétences qui lui permettront de se positionner bien mieux qu’aujourd’hui en Etat stratège, mais sans avoir à grossir ses rangs pour cela. Enfin, au vu d’un côté de la maturité du monde fédéral, de l’autre du besoin de redonner du sens et de la portée aux délégations dans un contexte d’exigences croissantes notamment sur le plan éthique, exigences auxquelles le sport doit faire face s’il veut garder son attractivité, l’Etat doit repenser l’exercice de sa fonction de contrôle.
La réforme de la gouvernance du sport passe largement par celle des fédérations. Avec quelque 15 millions de licenciés (soit 23% de la population totale et 47% des pratiquants réguliers), elles sont en effet le maillon central du modèle sportif français. La rénovation de leur gouvernance est un chantier maintes fois identifié comme clé ; il progresse à des degrés divers – parfois très bien sous l’impulsion de présidents déterminés, parfois partiellement ou lentement.
Un fonctionnement plus démocratique des fédérations – avec pour mesure phare l’élection des présidents par les clubs ; la fixation d’un seuil maximal de deux mandats au même poste dans une logique de renouvellement des dirigeants ; l’affirmation du principe de la rémunération des présidents et plus largement de l’objectif de professionnalisation des équipes ; l’accélération des progrès en matière de parité à tous les niveaux de responsabilité même les plus élevés et le renforcement de l’éthique et la transparence sont des avancées prioritaires à sécuriser dans le respect de l’autonomie du mouvement sportif.
Ces avancées seraient une excellente chose tant pour l’efficacité des fédérations que pour la solidité et l’approfondissement de leurs liens avec les licenciés. Le CNOSF, de par son rôle cible de tête de pont du sport olympique et fédéral, l’Etat, via notamment une approche renouvelée des conventions d’objectifs, et l’Europe, par l’attention que ses institutions portent aux enjeux de bonne gouvernance et d’évaluation, doivent soutenir et accompagner les fédérations dans cette voie.
Partie 5. Un modèle sportif qui doit pouvoir compter sur des ressources adaptées, tant sur le plan financier qu’humain.
Dans un contexte sensible et de forte actualité sur les moyens du monde sportif (baisse de 65M€ du soutien de l’Etat aux actions du mouvement sportif et rabot important apporté au CNDS en 2018 ; conclusions attendues de la mission Action publique 2022 sur le périmètre du ministère des sports ; mission parlementaire en cours sur le financement des politiques sportives ; réflexions sur le bénévolat sportif et la formation aux métiers du sport, etc.), nous avons souhaité apporter une contribution au débat à travers un triple prisme.
Le premier est celui des principes directeurs qui doivent permettre une position plus robuste dans le dialogue avec Bercy : s’il s’agit bien de faire valoir que le sport est davantage un investissement qu’un coût, il faut aussi développer une plus grande transparence (ex : recensement fiabilisé de l’ensemble des concours publics au sport de haut niveau, au sport santé, etc.) et une plus grande efficacité (ex : accent mis sur le rendement socio-économique de l’euro investi dans le sport, amélioration des procédures de subvention, etc.) sur le plan financier.
Le second est celui de l’identification de nouvelles sources de financement qui pourraient être mobilisées au service du sport, sans nécessairement peser sur le contribuable ou grever les finances publiques : le monde sportif doit en effet développer aussi ses ressources propres, s’ouvrir plus largement aux financements privés et il suffit parfois de simples modifications de dispositions législatives ou réglementaires (ex : légalisation de la publicité virtuelle, clarification des conditions d’exercice du naming, etc.) pour l’y aider.
Le dernier est celui des ressources humaines, sous l’angle d’une revalorisation du bénévolat sportif (renforcement des contreparties en termes de formation, certification des compétences y compris pour les jeunes, soutien spécifique aux dirigeants de clubs notamment par la création d’un service civique sportif, montée en puissance du mécénat de compétences dans les entreprises, etc.) et d’une modernisation de la formation des professionnels du secteur.
L’ensemble de ces orientations prendrait un relief particulier et un formidable élan si l’objectif d’une « France sportive » était élevé dans ce quinquennat au rang de « grande cause nationale ».
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