Tribunes RLSF

Renforcer l’ambition éducative du sport français

 

Le pouvoir éducatif des activités physiques et sportives (APS) est souvent invoqué pour consacrer la place du sport dans les politiques publiques. Pour autant, le lien entre sport et éducation est-il inhérent à la pratique ? Le temps d’un apéro-débat intitulé « le sport, une école de la vie », la communauté RLSF et trois intervenants, Claire Pontais, Cédric Gosse et Laurent Petrynka, ont dressé le panorama des actions éducatives en lien avec le sport.

Pourquoi faire du sport ?
Avant de s’interroger sur comment pratiquer ? intéressons-nous à la question pourquoi pratiquer ? Comme vient de le rappeler la Ministre des Sports Roxana Maracineanu, « le sport a un rôle majeur à jouer au service des autres politiques publiques de notre pays en matière d’éducation ». Si la pratique sportive peut être considérée par certains comme une fin en soi, elle génère de multiples autres bienfaits, en particulier pour les enfants dans leur construction psychomotrice et leur socialisation. Le sport, comme « facteur de réussite scolaire », comme levier d’émancipation, est un « générateur d’intelligence » par le dialogue qu’il crée et les choix qu’il induit. Le service public du sport prend son sens dans sa dimension sociétale, c’est-à-dire au travers des bienfaits que cette pratique apporte tant à l’individu qu’à la collectivité.

C’est pourquoi Rénovons Le Sport Français considère que le lien entre sport et éducation est crucial pour construire la société de demain, notamment à travers la préconisation #12 du rapport rédigé en juin 2018 : « mettre les valeurs du sport dans la tête et le cœur des élèves ». Un objectif qu’il faut désormais traduire en un plan d’actions ambitieux, nécessitant une collaboration active de tous les acteurs du monde du sport.

L’offre de pratique d’une APS pour les jeunes est aujourd’hui multiple

  • L’éducation physique et sportive (EPS), 3 heures hebdomadaires obligatoires en primaire et au collège (4 heures en 6ème), 2 heures au lycée.
  • Le sport scolaire, pratique facultative au sein des associations sportives – l’USEP accueillant 14% des effectifs scolarisés du primaire, l’UNSS et L’UGSEL respectivement 24% et 48% des effectifs du secondaire.
  • Les activités sportives périscolaires, proposées dans les écoles primaires en marge du temps scolaire, notamment liées aux réformes des rythmes scolaires.
  • Les activités sportives territoriales, proposées par les collectivités sur les temps libres de l’enfant (fin de journée ou vacances scolaires).
  • Les activités sportives associatives, pratiquées en club.
  • Les pratiques libres, entre amis ou en famille, dans des espaces publics ou des infrastructures privées.

Un des facteurs qui semble aujourd’hui porter préjudice au développement de ces pratiques chez l’enfant est le cloisonnement entre les différents acteurs. Pour que les bienfaits soient optimisés, il est nécessaire de créer une continuité éducative entre les différents intervenants, pour parler un langage commun et partager des bonnes pratiques, sans prévalence d’un acteur par rapport à l’autre. Pour créer ces synergies indispensables, des propositions ont émergé ces dernières années :

  • La création d’un conseil local des APS, réunissant collectivités territoriales, éducation nationale, associations sportives, parents d’élèves, … (préconisation #38 du rapport des députés Pascal Deguilhem et Régis Juanico).
  • Le lancement d’un livret du jeune sportif, numérique et accessible à tous, recensant toutes les APS découvertes et pratiquées par l’enfant tout au long de la vie (préconisation #15 du rapport Juanico).
  • Le plan mercredi, issu de la réforme des rythmes scolaires de Jean-Michel Blanquer, proposant d’articuler politiques publiques et associatives dans le cadre des projets éducatifs territoriaux (PEDT) dans le but de créer de « véritables parcours éducatifs ».
  • Le label génération 2024, lancé par le gouvernement actuel, pensé pour mettre le sport au service de la société en s’appuyant sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Cette démarche, à l’initiative des établissements scolaires, devant favoriser l’émergence de nouveaux partenariats pédagogiques avec les clubs sportifs à proximité.

Ces outils, existants ou en construction, sont les garants d’un dialogue nouveau entre les différents acteurs qui utilisent le sport à des fins éducatives.

 

Distinguons toutefois deux concepts : celui d’éducation au sport et celui d’éducation par le sport.

L’éducation au sport
Comme le rappellent Nicolas Bonnet-Oulaldj et Adrien Pécout, « courir, nager, sauter, tenir en équilibre […] supposent un apprentissage ». On parle donc naturellement d’éducation au sport à travers l’enseignement de l’EPS. Toutefois, la tribune RLSF de mars 2019 rappelait les principaux écueils rencontrés dans le cadre de cet enseignement, à commencer par la dévalorisation de cette matière par rapport aux autres et les rythmes scolaires actuels qui ne permettent pas d’en explorer pleinement la pratique.

Pour faire évoluer le regard des parents sur l’EPS, discipline non prise en compte dans l’évaluation de la réussite scolaire de leurs enfants, ainsi que celui de la communauté éducative, la formation des enseignants dans les ESPE est un enjeu majeur. La culture des APS doit prendre une place importante avec des illustrations concrètes quant aux bienfaits apportés. De manière générale, cela revient positionner le sport, non plus comme divertissement ou discipline annexe mais comme composante majeure du devenir de chacun.

Valoriser l’action et l’expression par le corps, dès la maternelle, est crucial au regard des enjeux psychomoteurs et psychosociaux qui se jouent à ce stade du développement de l’enfant. Poursuivre en donnant une place de choix aux APS dans le primaire l’est tout autant. De même que permettre à l’USEP d’être présente dans chaque école primaire serait une avancée majeure. Poursuivre ce processus de valorisation dans le secondaire et, comme évoqué par Nathalie Iannetta dans une tribune récente, affecter à l’EPS un fort coefficient au baccalauréat contribuerait à faire évoluer les mentalités.

L’éducation par le sport
Interrogeons ensuite la portée éducative de la pratique sportive en club. Selon O. Villepreux, « l’enseignement des entraîneurs n’a pas grand-chose à voir avec de l’éducation. Il relève plutôt d’un conditionnement mental et physique à la performance et à la concurrence ». Même s’il faut prendre le soin de préciser que la pratique d’un sport à haut niveau permet de développer et d’optimiser des compétences transférables, l’apprentissage de la technique pure et la recherche de la performance semblent, aux yeux de certains dirigeants associatifs, des objectifs plus importants que l’éducation et l’épanouissement des enfants qui fréquentent les terrains de sport.

L’éducation par le sport c’est aujourd’hui davantage des missions dont se sont déjà emparé des associations spécialisées (Agence pour l’éducation par le sport, Pl4y International, Sport dans la ville) et certains acteurs fédéraux (UFOLEP, FSCF, FSGT, …).

Alors que de nombreuses fédérations unisports proposent un label « école française », celui-ci repose principalement sur des critères quantitatifs autour de la performance. L’ajout de critères qualitatifs, basés sur les bienfaits socio-éducatifs et sanitaires pourrait inciter les acteurs du sport à explorer davantage les vertus éducatives d’une pratique sportive encadrée.
Gageons que la nouvelle gouvernance du sport offre un cadre qui permette au sport d’exprimer pleinement son potentiel au service de la société et en particulier de tous les jeunes pratiquants.

 

Les citations sont tirées du débat du 16 avril 2019, du livre « Libérer le sport » (N. Bonnet-Oulaldj et A. Pécout, les éditions de l’atelier, 2015) et du livre « Réveil du sport citoyen, des valeurs en partage » (O. Villepreux, ateliers Henry Dougier, 2016).

Article le Parisien

[1] Ecole supérieure du professorat et de l’éducation.